Notion de "handicap par association" : CJCE du 17 juillet 2008, arrкt Coleman contre Royaume-Uni
ARRКT DE LA COUR (grande chambre) - 17 juillet 2008
«Politique sociale − Directive 2000/78/CE − Йgalitй de traitement en matiиre d’emploi et de travail − Articles 1er, 2, paragraphes 1, 2, sous a), et 3, ainsi que 3, paragraphe 1, sous c) − Discrimination directe fondйe sur le handicap − Harcиlement liй au handicap − Licenciement d’un employй n’ayant pas lui-mкme un handicap, mais dont l’enfant est handicapй − Inclusion − Charge de la preuve»
Dans l’affaire C‑303/06,
ayant pour objet une demande de dйcision prйjudicielle au titre de l’article 234 CE, introduite par l’Employment Tribunal, London South (Royaume-Uni), par dйcision du 6 juillet 2006, parvenue а la Cour le 10 juillet 2006, dans la procйdure
S. Coleman
contre
Attridge Law,
Steve Law,
LA COUR (grande chambre),
composйe de M. V. Skouris, prйsident, MM. P. Jann, C. W. A. Timmermans, A. Rosas, K. Lenaerts et A. Tizzano, prйsidents de chambre, MM. M. Ileљič, J. Klučka, A. У Caoimh (rapporteur), T. von Danwitz et A. Arabadjiev, juges,
avocat gйnйral: M. M. Poiares Maduro,
greffier: Mme L. Hewlett, administrateur principal,
vu la procйdure йcrite et а la suite de l’audience du 9 octobre 2007,
considйrant les observations prйsentйes:
– pour Mme Coleman, par MM. R. Allen, QC, et P. Michell, barrister,
– pour le gouvernement du Royaume-Uni, par Mme V. Jackson, en qualitй d’agent, assistйe de M. N. Paines, QC,
– pour le gouvernement grec, par M. K. Georgiadis et Mme Z. Chatzipavlou, en qualitй d’agents,
– pour l’Irlande, par M. N. Travers, BL,
– pour le gouvernement italien, par M. I. M. Braguglia, en qualitй d’agent, assistй de Mme W. Ferrante, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement lituanien, par M. D. Kriaučiūnas, en qualitй d’agent,
– pour le gouvernement nйerlandais, par Mmes H. G. Sevenster et C. ten Dam, en qualitй d’agents,
– pour le gouvernement suйdois, par Mme A. Falk, en qualitй d’agent,
– pour la Commission des Communautйs europйennes, par M. J. Enegren et Mme N. Yerrell, en qualitй d’agents,
ayant entendu l’avocat gйnйral en ses conclusions а l’audience du 31 janvier 2008,
rend le prйsent
Arrкt
1 La demande de dйcision prйjudicielle porte sur l’interprйtation de la directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant crйation d’un cadre gйnйral en faveur de l’йgalitй de traitement en matiиre d’emploi et de travail (JO L 303, p. 16).
2 Cette demande a йtй prйsentйe dans le cadre d’un litige opposant Mme Coleman, requйrante au principal, а Attridge Law, un cabinet d’avocats, ainsi qu’а un associй de ce cabinet, M. Law (ci-aprиs, ensemble, l’«ancien employeur»), au sujet du licenciement implicite dont elle soutient avoir fait l’objet.
Le cadre juridique
La rйglementation communautaire
3 La directive 2000/78 a йtй adoptйe sur le fondement de l’article 13 CE. Les sixiиme, onziиme, seiziиme, dix-septiиme, vingtiиme, vingt-septiиme, trente et uniиme ainsi que trente-septiиme considйrants de cette directive sont libellйs comme suit:
«(6) La charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs reconnaоt l’importance de la lutte contre les discriminations sous toutes leurs formes, y compris la nйcessitй de prendre des mesures appropriйes en faveur de l’intйgration sociale et йconomique des personnes вgйes et des personnes handicapйes.
[…]
(11) La discrimination fondйe sur la religion ou les convictions, un handicap, l’вge ou l’orientation sexuelle peut compromettre la rйalisation des objectifs du traitй CE, notamment un niveau d’emploi et de protection sociale йlevй, le relиvement du niveau et de la qualitй de la vie, la cohйsion йconomique et sociale, la solidaritй et la libre circulation des personnes.
[…]
(16) La mise en place de mesures destinйes а tenir compte des besoins des personnes handicapйes au travail remplit un rфle majeur dans la lutte contre la discrimination fondйe sur un handicap.
(17) La prйsente directive n’exige pas qu’une personne qui n’est pas compйtente, ni capable, ni disponible pour remplir les fonctions essentielles du poste concernй ou pour suivre une formation donnйe soit recrutйe, promue ou reste employйe ou qu’une formation lui soit dispensйe, sans prйjudice de l’obligation de prйvoir des amйnagements raisonnables pour les personnes handicapйes.
[…]
(20) Il convient de prйvoir des mesures appropriйes, c’est-а-dire des mesures efficaces et pratiques destinйes а amйnager le poste de travail en fonction du handicap, par exemple en procйdant а un amйnagement des locaux ou а une adaptation des йquipements, des rythmes de travail, de la rйpartition des tвches ou de l’offre de moyens de formation ou d’encadrement.
[…]
(27) Le Conseil, dans sa recommandation 86/379/CEE du 24 juillet 1986 sur l’emploi des handicapйs dans la Communautй [JO L 225, p. 43], a йtabli un cadre d’orientation qui йnumиre des exemples d’actions positives visant а promouvoir l’emploi et la formation des personnes handicapйes et, dans sa rйsolution du 17 juin 1999 sur l’йgalitй des chances en matiиre d’emploi pour les personnes handicapйes [JO C 186, p. 3], a affirmй l’importance d’accorder une attention particuliиre notamment au recrutement, au maintien dans l’emploi et а la formation et а l’apprentissage tout au long de la vie des personnes handicapйes.
[…]
(31) L’amйnagement des rиgles concernant la charge de la preuve s’impose dиs qu’il existe une prйsomption de discrimination et, dans les cas oщ cette situation se vйrifie, la mise en њuvre effective du principe de l’йgalitй de traitement requiert que la charge de la preuve revienne а la partie dйfenderesse. Toutefois, il n’incombe pas а la partie dйfenderesse de prouver que la partie demanderesse appartient а une religion donnйe, possиde des convictions donnйes, prйsente un handicap donnй, est d’un вge donnй ou d’une orientation sexuelle donnйe.
[…]
(37) Conformйment au principe de subsidiaritй йnoncй а l’article 5 du traitй CE, l’objectif de la prйsente directive, а savoir la crйation, dans la Communautй, d’un terrain d’action en ce qui concerne l’йgalitй en matiиre d’emploi et de travail, ne peut pas кtre rйalisй de maniиre suffisante par les Йtats membres et peut donc, en raison des dimensions et des effets de l’action, кtre mieux rйalisй au niveau communautaire. Conformйment au principe de proportionnalitй tel qu’йnoncй audit article, la prйsente directive n’excиde pas ce qui est nйcessaire pour atteindre cet objectif.»
4 Aux termes de son article 1er, la directive 2000/78 «a pour objet d’йtablir un cadre gйnйral pour lutter contre la discrimination fondйe sur la religion ou les convictions, le handicap, l’вge ou l’orientation sexuelle, en ce qui concerne l’emploi et le travail, en vue de mettre en њuvre, dans les Йtats membres, le principe de l’йgalitй de traitement».
5 Ladite directive йnonce, а son article 2, paragraphes 1 а 3, intitulй «Concept de discrimination»:
«1. Aux fins de la prйsente directive, on entend par ‘principe de l’йgalitй de traitement’ l’absence de toute discrimination directe ou indirecte, fondйe sur un des motifs visйs а l’article 1er.
2. Aux fins du paragraphe 1:
a) une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitйe de maniиre moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a йtй ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base de l’un des motifs visйs а l’article 1er;
b) une discrimination indirecte se produit lorsqu’une disposition, un critиre ou une pratique apparemment neutre est susceptible d’entraоner un dйsavantage particulier pour des personnes d’une religion ou de convictions, d’un handicap, d’un вge ou d’une orientation sexuelle donnйs, par rapport а d’autres personnes, а moins que:
i) cette disposition, ce critиre ou cette pratique ne soit objectivement justifiй par un objectif lйgitime et que les moyens de rйaliser cet objectif ne soient appropriйs et nйcessaires, ou que
ii) dans le cas des personnes d’un handicap donnй, l’employeur ou toute personne ou organisation auquel s’applique la prйsente directive ne soit obligй, en vertu de la lйgislation nationale, de prendre des mesures appropriйes conformйment aux principes prйvus а l’article 5 afin d’йliminer les dйsavantages qu’entraоne cette disposition, ce critиre ou cette pratique.
3. Le harcиlement est considйrй comme une forme de discrimination au sens du paragraphe 1 lorsqu’un comportement indйsirable liй а l’un des motifs visйs а l’article 1er se manifeste, qui a pour objet ou pour effet de porter atteinte а la dignitй d’une personne et de crйer un environnement intimidant, hostile, dйgradant, humiliant ou offensant. Dans ce contexte, la notion de harcиlement peut кtre dйfinie conformйment aux lйgislations et pratiques nationales des Йtats membres.
[…]»
6 Aux termes de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2000/78:
«Dans les limites des compйtences confйrйes а la Communautй, la prйsente directive s’applique а toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privй, y compris les organismes publics, en ce qui concerne:
[…]
c) les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rйmunйration;
[…]»
7 Ladite directive prйvoit а son article 5, intitulй «Amйnagements raisonnables pour les personnes handicapйes»:
«Afin de garantir le respect du principe de l’йgalitй de traitement а l’йgard des personnes handicapйes, des amйnagements raisonnables sont prйvus. Cela signifie que l’employeur prend les mesures appropriйes, en fonction des besoins dans une situation concrиte, pour permettre а une personne handicapйe d’accйder а un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation lui soit dispensйe, sauf si ces mesures imposent а l’employeur une charge disproportionnйe. […]»
8 L’article 7 de la mкme directive, intitulй «Action positive et mesures spйcifiques», est libellй comme suit:
«1. Pour assurer la pleine йgalitй dans la vie professionnelle, le principe de l’йgalitй de traitement n’empкche pas un Йtat membre de maintenir ou d’adopter des mesures spйcifiques destinйes а prйvenir ou а compenser des dйsavantages liйs а l’un des motifs visйs а l’article 1er.
2. En ce qui concerne les personnes handicapйes, le principe [de l]’йgalitй de traitement ne fait pas obstacle au droit des Йtats membres de maintenir ou d’adopter des dispositions concernant la protection de la santй et de la sйcuritй sur le lieu de travail ni aux mesures visant а crйer ou а maintenir des dispositions ou des facilitйs en vue de sauvegarder ou d’encourager leur insertion dans le monde du travail.»
9 L’article 10 de la directive 2000/78, intitulй «Charge de la preuve», dispose:
«1. Les Йtats membres prennent les mesures nйcessaires, conformйment а leur systиme judiciaire, afin que, dиs lors qu’une personne s’estime lйsйe par le non‑respect а son йgard du principe de l’йgalitй de traitement et йtablit, devant une juridiction ou une autre instance compйtente, des faits qui permettent de prйsumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe а la partie dйfenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation du principe de l’йgalitй de traitement.
2. Le paragraphe 1 ne fait pas obstacle а l’adoption par les Йtats membres de rиgles de la preuve plus favorables aux plaignants.»
10 Conformйment а l’article 18, premier alinйa, de la directive 2000/78, les Йtats membres devaient prendre les dispositions lйgislatives, rйglementaires et administratives nйcessaires pour se conformer а celle-ci au plus tard le 2 dйcembre 2003. Toutefois, aux termes du deuxiиme alinйa dudit article:
«Pour tenir compte de conditions particuliиres, les Йtats membres peuvent disposer, si nйcessaire, d’un dйlai supplйmentaire de 3 ans а compter du 2 dйcembre 2003, soit un total de 6 ans, pour mettre en њuvre les dispositions de la prйsente directive relatives а la discrimination fondйe sur l’вge et le handicap. Dans ce cas, ils en informent immйdiatement la Commission. Tout Йtat membre qui choisit d’avoir recours а ce dйlai supplйmentaire fait rapport annuellement а la Commission sur les mesures qu’il prend pour s’attaquer а la discrimination fondйe sur l’вge et le handicap, et sur les progrиs rйalisйs en vue de la mise en њuvre de la directive. La Commission fait rapport annuellement au Conseil.»
11 Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ayant demandй а bйnйficier d’un tel dйlai supplйmentaire pour la transposition de ladite directive, celui-ci n’a expirй que le 2 dйcembre 2006 en ce qui concerne cet Йtat membre.
La rйglementation nationale
12 La loi de 1995 relative а la discrimination fondйe sur le handicap (Disability Discrimination Act 1995, ci-aprиs la «DDA»), vise essentiellement а rendre illйgal l’exercice, а l’encontre des personnes handicapйes, de toute discrimination liйe, notamment, а l’emploi.
13 La deuxiиme partie de la DDA, qui rйglemente les questions d’emploi, a йtй modifiйe, lors de la transposition de la directive 2000/78 dans l’ordre juridique du Royaume-Uni, par le rиglement de 2003 portant modification de la loi de 1995 relative а la discrimination fondйe sur le handicap [Disability Discrimination Act 1995 (Amendment) Regulations 2003], entrй en vigueur le 1er octobre 2004.
14 Conformйment а l’article 3 A, paragraphe 1, de la DDA, telle que modifiйe par ledit rиglement de 2003 (ci-aprиs la «DDA de 2003»):
«[…] une personne exerce une discrimination а l’encontre d’une personne handicapйe si:
a) pour un motif liй au handicap dont souffre la personne handicapйe, elle rйserve а celle‑ci un traitement moins favorable que celui qu’elle rйserve ou rйserverait а d’autres personnes auxquelles le motif en question ne s’applique pas ou ne s’appliquerait pas, et
b) elle ne peut dйmontrer que ce traitement est justifiй.»
15 L’article 3 A, paragraphe 4, de la DDA de 2003 prйcise nйanmoins que le traitement rйservй а une personne handicapйe ne peut en aucun cas se justifier s’il est assimilable а une discrimination directe au sens du paragraphe 5 du mкme article, disposition aux termes de laquelle:
«Une personne exerce une discrimination directe а l’encontre d’une personne handicapйe si, en raison du handicap dont souffre la personne handicapйe, elle rйserve а celle‑ci un traitement moins favorable que celui qu’elle rйserve ou rйserverait а une personne qui ne prйsente pas ce handicap particulier et dont les caractйristiques pertinentes, y compris les capacitйs, sont les mкmes que celles de la personne handicapйe ou n’en diffиrent pas sensiblement.»
16 La notion de harcиlement est dйfinie comme suit а l’article 3 B de la DDA de 2003:
«1) [...] une personne soumet une personne handicapйe а un harcиlement si, pour un motif liй au handicap dont souffre la personne handicapйe, elle adopte un comportement indйsirable qui a pour objet ou pour effet:
a) de porter atteinte а la dignitй de la personne handicapйe, ou
b) de crйer pour elle un environnement intimidant, hostile, dйgradant, humiliant ou offensant.
2) Un comportement est rйputй avoir l’effet visй au paragraphe 1, sous a) ou b), si, eu йgard а toutes les circonstances, et notamment а ce qui est ressenti par la personne handicapйe, on doit raisonnablement considйrer qu’il a un tel effet.»
17 Aux termes de l’article 4, paragraphe 2, sous d), de la DDA de 2003, il est interdit а un employeur d’exercer une discrimination а l’encontre d’une personne handicapйe qu’il emploie en la renvoyant ou en lui faisant subir tout autre prйjudice.
18 L’article 4, paragraphe 3, sous a) et b), de la DDA de 2003 prйvoit qu’il est йgalement interdit а un employeur, agissant en cette qualitй, de soumettre а un harcиlement une personne handicapйe qu’il emploie ou qui l’a sollicitй pour un emploi.
Le litige au principal et les questions prйjudicielles
19 Mme Coleman a travaillй pour son ancien employeur depuis le mois de janvier de l’annйe 2001 en qualitй de secrйtaire juridique.
20 Au cours de l’annйe 2002, elle a donnй naissance а un fils qui souffre de crises d’apnйe ainsi que de laryngomalacie et de bronchomalacie congйnitales. L’йtat de son fils exige des soins spйcialisйs et particuliers. La requйrante au principal lui dispense l’essentiel des soins dont celui-ci a besoin.
21 Le 4 mars 2005, Mme Coleman a acceptй une mise en chфmage volontaire («voluntary redundancy»), ce qui a mis fin а son contrat avec son ancien employeur.
22 Le 30 aoыt 2005, elle a saisi l’Employment Tribunal, London South, d’un recours dans lequel elle soutient qu’elle a йtй victime d’un licenciement implicite («constructive unfair dismissal») et d’un traitement moins favorable que celui rйservй aux autres employйs, en raison du fait qu’elle a la charge principale d’un enfant handicapй. Elle prйtend que ce traitement l’a contrainte а cesser de travailler pour son ancien employeur.
23 Il ressort de la dйcision de renvoi que les circonstances pertinentes de l’affaire au principal n’ont pas encore йtй йtablies dans leur intйgralitй, les questions prйjudicielles n’ayant йtй soulevйes qu’а titre prйliminaire. En effet, la juridiction de renvoi a sursis а statuer sur la partie du recours concernant le licenciement de Mme Coleman, mais, le 17 fйvrier 2006, elle a tenu une audience prйliminaire consacrйe а l’examen du moyen tirй de la discrimination.
24 La question prйliminaire soulevйe devant ladite juridiction est celle de savoir si la requйrante au principal peut se fonder sur les dispositions du droit national, notamment celles visant а transposer la directive 2000/78, pour invoquer а l’encontre de son ancien employeur la discrimination dont elle estime avoir fait l’objet, en ce sens qu’elle aurait йtй victime d’un traitement dйfavorable liй au handicap dont souffre son fils.
25 Il ressort des termes de la dйcision de renvoi que, si l’interprйtation de la directive 2000/78 par la Cour devait кtre contraire а celle prйconisйe par Mme Coleman, le droit national s’opposerait а ce que la demande prйsentйe par cette derniиre devant la juridiction de renvoi soit accueillie.
26 Il ressort йgalement de la dйcision de renvoi que, conformйment au droit du Royaume-Uni, lors d’une audience prйliminaire portant sur une question de droit, la juridiction saisie prйsume que les faits se sont produits de la maniиre dont ils sont relatйs par la partie requйrante. Dans l’affaire au principal, les faits du litige sont prйsumйs кtre les suivants:
– Lors du retour du congй de maternitй de Mme Coleman, l’ancien employeur de cette derniиre a refusй de la rйintйgrer dans l’emploi qu’elle occupait jusqu’alors, dans des circonstances oщ des parents d’enfants non handicapйs auraient йtй autorisйs а retrouver leur ancien poste;
– il a йgalement refusй de lui accorder la mкme souplesse horaire et les mкmes conditions de travail qu’а ses collиgues qui sont des parents d’enfants non handicapйs;
– Mme Coleman a йtй qualifiйe de «paresseuse» lorsqu’elle a demandй а bйnйficier de temps libre pour prodiguer des soins а son enfant, alors qu’une telle facilitй a йtй accordйe а des parents d’enfants non handicapйs;
– la rйclamation officielle qu’elle a introduite contre le mauvais traitement qu’elle a subi n’a pas йtй dыment prise en considйration et elle s’est sentie contrainte de la retirer;
– il y a eu des commentaires dйplacйs et insultants а l’encontre tant d’elle-mкme que de son enfant. Aucun commentaire de cet ordre n’a йtй formulй lorsque d’autres employйs ont dы solliciter du temps libre ou une certaine flexibilitй pour s’occuper de leurs enfants non handicapйs, et
– йtant parfois arrivйe en retard а son bureau, en raison de problиmes liйs а l’йtat de son enfant, il lui a йtй dit qu’elle serait renvoyйe si elle arrivait de nouveau en retard. Aucune menace de cet ordre n’a йtй profйrйe contre d’autres employйs ayant des enfants non handicapйs et qui sont arrivйs en retard pour les mкmes raisons.
27 Estimant que le litige dont il est saisi soulиve des questions d’interprйtation du droit communautaire, l’Employment Tribunal, London South, a dйcidй de surseoir а statuer et de poser а la Cour les questions prйjudicielles suivantes:
«1) Dans le cadre de l’interdiction de toute discrimination fondйe sur un handicap, la directive [2000/78] protиge-t-elle de la discrimination directe et du harcиlement uniquement les personnes qui sont elles-mкmes handicapйes?
2) En cas de rйponse nйgative а la premiиre question, la directive [2000/78] protиge-t-elle des employйs qui, bien que n’йtant pas eux-mкmes handicapйs, sont moins favorablement traitйs ou font l’objet de harcиlement en raison de leur relation avec une personne handicapйe?
3) Lorsqu’un employeur traite un employй moins favorablement qu’il ne traite ou traiterait d’autres employйs et qu’il est prouvй que la raison du traitement de l’employй est que celui-ci a un fils handicapй dont il prend soin, ledit traitement constitue-t-il une discrimination directe contraire au principe de l’йgalitй de traitement consacrй par la directive [2000/78]?
4) Lorsqu’un employeur harcиle un employй et qu’il est prouvй que la raison du traitement de l’employй est que celui-ci a un fils handicapй dont il prend soin, ce harcиlement est-il contraire au principe de l’йgalitй de traitement consacrй par la directive [2000/78]?»
Sur la recevabilitй
28 Tout en considйrant que les questions posйes par la juridiction de renvoi reposent sur un vйritable litige, le gouvernement nйerlandais a mis en cause la recevabilitй du renvoi prйjudiciel en vertu du fait que, йtant donnй qu’il s’agit de questions prйalables soulevйes lors d’une audience prйliminaire, toutes les circonstances de la cause ne sont pas encore йtablies. Il fait observer que, lors d’une telle audience prйliminaire, le juge national prйsume que les faits se sont produits de la maniиre dont ils ont йtй relatйs par la partie requйrante.
29 А cet йgard, il convient de rappeler que l’article 234 CE йtablit le cadre d’une coopйration йtroite entre les juridictions nationales et la Cour, fondйe sur une rйpartition de fonctions entre elles. Le deuxiиme alinйa de cet article fait ressortir clairement qu’il appartient а la juridiction nationale de dйcider а quel stade de la procйdure il y a lieu, pour cette juridiction, de dйfйrer une question prйjudicielle а la Cour (voir arrкts du 10 mars 1981, Irish Creamery Milk Suppliers Association e.a., 36/80 et 71/80, Rec. p. 735, point 5, et du 30 mars 2000, JдmO, C‑236/98, Rec. p. I‑2189, point 30).
30 Dans l’affaire au principal, il convient d’observer que la juridiction de renvoi a constatй que, si la Cour devait interprйter la directive 2000/78 dans un sens ne correspondant pas а celui prйconisй par Mme Coleman, celle-ci ne pourrait pas obtenir gain de cause sur le fond. La juridiction nationale a donc dйcidй, ainsi que le permet la lйgislation du Royaume-Uni, d’examiner la question de savoir si cette directive doit кtre interprйtйe en ce sens qu’elle est applicable au licenciement d’un employй dans une situation telle que celle de Mme Coleman avant d’йtablir si, en fait, cette derniиre a йtй victime d’un traitement dйfavorable ou de harcиlement. C’est pourquoi les questions prйjudicielles ont йtй posйes en partant de la prйsomption que les faits du litige au principal sont tels que rйsumйs au point 26 du prйsent arrкt.
31 Dиs lors que la Cour se trouve ainsi saisie d’une demande d’interprйtation du droit communautaire qui n’est pas manifestement sans rapport avec la rйalitй ou l’objet du litige au principal et qu’elle dispose des donnйes nйcessaires pour rйpondre de faзon utile aux questions qui lui sont posйes, relatives а l’applicabilitй de la directive 2000/78 а ce litige, elle doit y rйpondre sans avoir а s’interroger elle-mкme sur la prйsomption de faits sur laquelle s’est fondйe la juridiction de renvoi, prйsomption qu’il appartiendra а celle-ci de vйrifier par la suite si cela s’avиre nйcessaire (voir, en ce sens, arrкt du 27 octobre 1993, Enderby, C‑127/92, Rec. p. I‑5535, point 12).
32 Dans ces circonstances, la demande de dйcision prйjudicielle doit кtre considйrйe comme recevable.
Sur les questions prйjudicielles
Sur la premiиre partie de la premiиre question ainsi que sur les deuxiиme et troisiиme questions
33Par ces questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la directive 2000/78 et, notamment, ses articles 1er et 2, paragraphes 1 et 2, sous a), doivent кtre interprйtйs en ce sens qu’ils interdisent une discrimination directe fondйe sur le handicap uniquement а l’encontre d’un employй qui est lui-mкme handicapй ou si le principe de l’йgalitй de traitement et l’interdiction de discrimination directe s’appliquent йgalement а un employй qui n’est pas lui-mкme handicapй, mais qui, comme dans l’affaire au principal, est victime d’un traitement dйfavorable en raison du handicap dont est atteint son enfant, auquel il prodigue lui-mкme l’essentiel des soins que nйcessite son йtat.
34 L’article 1er de la directive 2000/78 identifie l’objet de celle-ci comme йtant d’йtablir, en ce qui concerne l’emploi et le travail, un cadre gйnйral pour lutter contre la discrimination fondйe sur la religion ou les convictions, le handicap, l’вge ou l’orientation sexuelle.
35 L’article 2, paragraphe 1, de la mкme directive dйfinit le principe de l’йgalitй de traitement comme йtant l’absence de toute discrimination directe ou indirecte fondйe sur l’un des motifs visйs audit article 1er, y compris donc le handicap.
36 Conformйment au paragraphe 2, sous a), dudit article 2, une discrimination directe se produit lorsqu’une personne est traitйe de maniиre moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a йtй ou ne le serait dans une situation comparable, sur la base, notamment, du handicap.
37 En vertu de son article 3, paragraphe 1, sous c), la directive 2000/78 s’applique, dans les limites des compйtences confйrйes а la Communautй, а toutes les personnes, tant pour le secteur public que pour le secteur privй, y compris les organismes publics, en ce qui concerne les conditions d’emploi et de travail, y compris les conditions de licenciement et de rйmunйration.
38 Dиs lors, il ne ressort pas de ces dispositions de la directive 2000/78 que le principe de l’йgalitй de traitement qu’elle vise а garantir soit limitй aux personnes ayant elles-mкmes un handicap au sens de cette directive. Au contraire, celle-ci a pour objet, en ce qui concerne l’emploi et le travail, de lutter contre toutes les formes de discrimination fondйes sur le handicap. En effet, le principe de l’йgalitй de traitement consacrй par ladite directive dans ce domaine s’applique non pas а une catйgorie de personnes dйterminйe, mais en fonction des motifs visйs а l’article 1er de celle-ci. Cette interprйtation est corroborйe par le libellй de l’article 13 CE, disposition constituant la base juridique de la directive 2000/78, qui confиre une compйtence а la Communautй pour prendre les mesures nйcessaires en vue de combattre toute discrimination fondйe, notamment, sur le handicap.
39 Certes, la directive 2000/78 contient un certain nombre de dispositions applicables, ainsi qu’il ressort de leurs termes mкmes, uniquement aux personnes handicapйes. Ainsi, son article 5 prйcise que, afin de garantir le respect du principe de l’йgalitй de traitement а l’йgard des personnes handicapйes, des amйnagements raisonnables sont prйvus. Cela signifie que l’employeur doit prendre les mesures appropriйes, en fonction des besoins dans une situation concrиte, pour permettre а une personne handicapйe d’accйder а un emploi, de l’exercer ou d’y progresser, ou pour qu’une formation lui soit dispensйe, sauf si ces mesures imposent а l’employeur une charge disproportionnйe.
40 L’article 7, paragraphe 2, de ladite directive prйvoit йgalement que, en ce qui concerne les personnes handicapйes, le principe de l’йgalitй de traitement ne fait obstacle ni au droit des Йtats membres de maintenir ou d’adopter des dispositions concernant la protection de la santй et de la sйcuritй sur le lieu de travail ni aux mesures visant а crйer ou а maintenir des dispositions ou des facilitйs en vue de sauvegarder ou d’encourager l’insertion de ces personnes dans le monde du travail.
41 Les gouvernements du Royaume-Uni ainsi que grec, italien et nйerlandais soutiennent, а la lumiиre tant des dispositions mentionnйes aux deux points prйcйdents que des seiziиme, dix-septiиme et vingt-septiиme considйrants de la directive 2000/78, que l’interdiction de discrimination directe prйvue par celle-ci ne peut pas кtre interprйtйe comme visant une situation telle que celle de la requйrante au principal, dиs lors que cette derniиre n’est pas elle-mкme handicapйe. Seules pourraient se prйvaloir des dispositions de cette directive des personnes qui, dans une situation comparable а celle d’autres personnes, sont traitйes de maniиre moins favorable ou sont placйes dans une situation dйsavantageuse en raison de caractйristiques qui leur sont propres.
42 Toutefois, il convient de relever а cet йgard que le fait que les dispositions mentionnйes aux points 39 et 40 du prйsent arrкt visent spйcifiquement les personnes atteintes d’un handicap rйsulte de la circonstance qu’il s’agit soit de dispositions portant sur des mesures de discrimination positive en faveur de la personne handicapйe elle-mкme, soit de mesures spйcifiques qui seraient dйnuйes de toute portйe ou qui pourraient s’avйrer disproportionnйes si elles n’йtaient pas limitйes aux seules personnes qui sont atteintes d’un handicap. Ainsi qu’il ressort des seiziиme et vingtiиme considйrants de cette directive, il s’agit de mesures destinйes а tenir compte des besoins des personnes handicapйes au travail et а amйnager le poste de travail en fonction du handicap de ces derniиres. De telles mesures visent donc spйcifiquement а permettre et а encourager l’insertion des personnes handicapйes dans le monde du travail et, pour cette raison, elles ne peuvent concerner que ces personnes ainsi que les obligations incombant а leurs employeurs et, le cas йchйant, aux Йtats membres а leur йgard.
43 Dиs lors, le fait que la directive 2000/78 comporte des dispositions visant а tenir compte spйcifiquement des besoins des personnes handicapйes ne permet pas de conclure que le principe de l’йgalitй de traitement qu’elle consacre doit кtre interprйtй de maniиre restrictive, c’est-а-dire comme interdisant uniquement les discriminations directes fondйes sur le handicap et visant exclusivement les personnes handicapйes elles-mкmes. Par ailleurs, le sixiиme considйrant de cette directive, en visant la charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, se rйfиre tant а la lutte gйnйrale contre les discriminations sous toutes leurs formes qu’а la nйcessitй de prendre des mesures appropriйes en faveur de l’intйgration sociale et йconomique des personnes handicapйes.
44 Les gouvernements du Royaume-Uni, italien et nйerlandais soutiennent йgalement qu’une interprйtation restrictive de la portйe ratione personae de la directive 2000/78 ressort de l’arrкt du 11 juillet 2006, Chacуn Navas (C‑13/05, Rec. p. I‑6467). Selon le gouvernement italien, dans ledit arrкt, la Cour a retenu une interprйtation restrictive de la notion de handicap et de sa pertinence dans la relation de travail.
45 Dans l’arrкt Chacуn Navas, prйcitй, la Cour a dйfini la notion de handicap et, aux points 51 et 52 dudit arrкt, elle a considйrй que l’interdiction, en matiиre de licenciement, de la discrimination fondйe sur le handicap, inscrite aux articles 2, paragraphe 1, et 3, paragraphe 1, sous c), de la directive 2000/78, s’oppose а un licenciement fondй sur un handicap qui, compte tenu de l’obligation de prйvoir des amйnagements raisonnables pour les personnes handicapйes, n’est pas justifiй par le fait que la personne concernйe n’est pas compйtente, ni capable, ni disponible pour remplir les fonctions essentielles de son poste. Toutefois, il n’en dйcoule pas pour autant d’une telle interprйtation que le principe de l’йgalitй de traitement dйfini а l’article 2, paragraphe 1, de cette mкme directive et l’interdiction de discrimination directe prйvue au paragraphe 2, sous a), du mкme article ne peuvent pas s’appliquer а une situation telle que celle en cause au principal lorsque le traitement dйfavorable que prйtend avoir subi un employй est fondй sur le handicap dont est atteint son enfant, auquel il prodigue l’essentiel des soins que nйcessite son йtat.
46 En effet, si, au point 56 de l’arrкt Chacуn Navas, prйcitй, la Cour a prйcisй que le champ d’application de la directive 2000/78 ne saurait, eu йgard au libellй de l’article 13 CE, кtre йtendu au-delа des discriminations fondйes sur les motifs йnumйrйs de maniиre exhaustive а l’article 1er de celle-ci, de sorte qu’une personne qui a йtй licenciйe par son employeur exclusivement pour cause de maladie ne relиve pas du cadre gйnйral йtabli par la directive 2000/78, elle n’a toutefois pas jugй que le principe de l’йgalitй de traitement et la portйe ratione personae de cette directive doivent, s’agissant de ces motifs, кtre interprйtйs de maniиre restrictive.
47 S’agissant des objectifs poursuivis par la directive 2000/78, cette derniиre tend, ainsi qu’il ressort des points 34 et 38 du prйsent arrкt, а йtablir un cadre gйnйral pour lutter, en matiиre d’emploi et de travail, contre la discrimination fondйe sur l’un des motifs visйs а l’article 1er de cette directive, au nombre desquels figure notamment le handicap, et ce en vue de mettre en њuvre, dans les Йtats membres, le principe de l’йgalitй de traitement. Il ressort de son trente-septiиme considйrant que cette directive a йgalement pour objectif la crйation, dans la Communautй, d’un terrain d’action en ce qui concerne l’йgalitй en matiиre d’emploi et de travail.
48 Ainsi que le font valoir Mme Coleman, les gouvernements lituanien et suйdois ainsi que la Commission, lesdits objectifs, de mкme que l’effet utile de la directive 2000/78, seraient compromis si un employй se trouvant dans une situation telle que celle de la requйrante au principal ne peut pas se fonder sur l’interdiction de discrimination directe prйvue а l’article 2, paragraphe 2, sous a), de cette directive lorsqu’il a йtй prouvй qu’il a йtй traitй de maniиre moins favorable qu’un autre employй ne l’est, ne l’a йtй ou ne le serait dans une situation comparable, en raison du handicap de son enfant, et ce alors mкme que cet employй n’est pas lui-mкme handicapй.
49 А cet йgard, il ressort du onziиme considйrant de ladite directive que le lйgislateur communautaire a йgalement estimй que la discrimination fondйe sur la religion ou les convictions, un handicap, l’вge ou l’orientation sexuelle peut compromettre la rйalisation des objectifs du traitй, notamment en ce qui concerne l’emploi.
50 Or, si dans une situation telle que celle en cause au principal, la personne qui a fait l’objet d’une discrimination directe fondйe sur le handicap n’est pas elle-mкme handicapйe, il n’en demeure pas moins que c’est bien le handicap qui, selon Mme Coleman, constitue le motif du traitement moins favorable dont elle allиgue avoir йtй la victime. Ainsi qu’il ressort du point 38 du prйsent arrкt, la directive 2000/78, qui vise, dans le domaine de l’emploi et du travail, а lutter contre toutes les formes de discrimination fondйes sur le handicap, s’applique non pas а une catйgorie de personnes dйterminйe, mais en fonction des motifs visйs а son article 1er.
51 Dиs lors qu’il est йtabli qu’un employй se trouvant dans une situation telle que celle en cause au principal est victime d’une discrimination directe fondйe sur le handicap, une interprйtation de la directive 2000/78 limitant l’application de celle-ci aux seules personnes qui sont elles-mкmes handicapйes serait susceptible de priver cette directive d’une partie importante de son effet utile et de rйduire la protection qu’elle est censйe garantir.
52 Quant а la charge de la preuve applicable dans une situation telle que celle en cause au principal, il convient de rappeler que, conformйment а l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2000/78, les Йtats membres doivent prendre les mesures nйcessaires, conformйment а leur systиme judiciaire, afin que, dиs lors qu’une personne s’estime lйsйe par le non-respect а son йgard du principe de l’йgalitй de traitement et йtablit, devant une juridiction ou une autre instance compйtente, des faits qui permettent de prйsumer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte, il incombe а la partie dйfenderesse de prouver qu’il n’y a pas eu violation dudit principe. Conformйment au paragraphe 2 dudit article, le paragraphe 1 de celui-ci ne fait pas obstacle а l’adoption par les Йtats membres de rиgles concernant la charge de la preuve plus favorables aux plaignants.
53 Dans l’affaire au principal, il incombe donc а Mme Coleman, conformйment а l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2000/78, d’йtablir, devant la juridiction de renvoi, des faits permettant de prйsumer l’existence d’une discrimination directe fondйe sur le handicap interdite par cette directive.
54 Conformйment а cette derniиre disposition de la directive 2000/78 et au trente et uniиme considйrant de celle-ci, l’amйnagement des rиgles concernant la charge de la preuve s’impose dиs lors qu’il existe une prйsomption de discrimination. Dans le cas oщ Mme Coleman йtablirait des faits qui permettent de prйsumer l’existence d’une discrimination directe, la mise en њuvre effective du principe de l’йgalitй de traitement exigerait alors que la charge de la preuve pиse sur les dйfendeurs au principal, qui devraient prouver qu’il n’y a pas eu une violation dudit principe.
55 Dans ce contexte, lesdits dйfendeurs pourraient contester l’existence d’une telle violation en йtablissant par toute voie de droit, notamment, que le traitement dont l’employй a fait l’objet est justifiй par des facteurs objectifs et йtrangers а toute discrimination fondйe sur le handicap ainsi qu’а toute relation que cet employй entretient avec une personne handicapйe.
56 Eu йgard aux considйrations qui prйcиdent, il convient de rйpondre а la premiиre partie de la premiиre question ainsi qu’aux deuxiиme et troisiиme questions que la directive 2000/78 et, notamment, ses articles 1er et 2, paragraphes 1 et 2, sous a), doivent кtre interprйtйs en ce sens que l’interdiction de discrimination directe qu’ils prйvoient n’est pas limitйe aux seules personnes qui sont elles-mкmes handicapйes. Lorsqu’un employeur traite un employй n’ayant pas lui-mкme un handicap de maniиre moins favorable qu’un autre employй ne l’est, ne l’a йtй ou ne le serait dans une situation comparable et qu’il est prouvй que le traitement dйfavorable dont cet employй est victime est fondй sur le handicap de son enfant, auquel il dispense l’essentiel des soins dont celui-ci a besoin, un tel traitement est contraire а l’interdiction de discrimination directe йnoncйe audit article 2, paragraphe 2, sous a).
Sur la seconde partie de la premiиre question ainsi que sur la quatriиme question
57 Par ces questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande en substance si la directive 2000/78 et, notamment, ses articles 1er et 2, paragraphes 1 et 3, doivent кtre interprйtйs en ce sens qu’ils interdisent le harcиlement liй au handicap uniquement а l’encontre d’un employй qui est lui-mкme handicapй ou si l’interdiction de harcиlement s’applique йgalement а un employй qui n’est pas lui-mкme handicapй, mais qui, comme dans l’affaire au principal, est victime d’un comportement indйsirable constitutif de harcиlement liй au handicap dont est atteint son enfant, auquel il prodigue lui-mкme l’essentiel des soins que nйcessite son йtat.
58 Le harcиlement йtant, en vertu de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 2000/78, considйrй comme une forme de discrimination au sens du paragraphe 1 de ce mкme article, il convient de relever que, pour les mкmes raisons que celles exposйes aux points 34 а 51 du prйsent arrкt, cette directive et, notamment, ses articles 1er et 2, paragraphes 1 et 3, doivent кtre interprйtйs en ce sens qu’ils ne se limitent pas а interdire le harcиlement а l’encontre de personnes qui sont elles-mкmes handicapйes.
59 Lorsqu’il est prouvй que le comportement indйsirable constitutif de harcиlement subi par un employй, n’ayant pas lui-mкme un handicap, est liй au handicap de son enfant, auquel il dispense l’essentiel des soins dont celui-ci a besoin, un tel comportement est contraire au principe de l’йgalitй de traitement consacrй par la directive 2000/78 et, notamment, а l’interdiction de harcиlement йnoncйe а l’article 2, paragraphe 3, de cette derniиre.
60 А cet йgard, il convient toutefois de rappeler que, selon les termes mкmes de l’article 2, paragraphe 3, de ladite directive, la notion de harcиlement peut кtre dйfinie conformйment aux lйgislations et pratiques nationales des Йtats membres.
61 En ce qui concerne la charge de la preuve applicable dans une situation telle que celle en cause au principal, il convient de relever que, le harcиlement йtant considйrй comme une forme de discrimination au sens de l’article 2, paragraphe 1, de la directive 2000/78, les mкmes rиgles que celles exposйes aux points 52 а 55 du prйsent arrкt s’appliquent au harcиlement.
62 Dиs lors, ainsi qu’il ressort du point 54 du prйsent arrкt, conformйment а l’article 10, paragraphe 1, de la directive 2000/78 et au trente et uniиme considйrant de celle-ci, l’amйnagement des rиgles concernant la charge de la preuve s’impose dиs lors qu’il existe une prйsomption de discrimination. Dans le cas oщ Mme Coleman йtablirait des faits qui permettent de prйsumer l’existence d’un harcиlement, la mise en њuvre effective du principe de l’йgalitй de traitement exigerait alors que la charge de la preuve pиse sur les dйfendeurs au principal, qui devraient prouver qu’il n’y a pas eu de harcиlement dans les circonstances de l’espиce.
63 Eu йgard aux considйrations qui prйcиdent, il convient de rйpondre а la seconde partie de la premiиre question ainsi qu’а la quatriиme question que la directive 2000/78 et, notamment, ses articles 1er et 2, paragraphes 1 et 3, doivent кtre interprйtйs en ce sens que l’interdiction de harcиlement qu’ils prйvoient n’est pas limitйe aux seules personnes qui sont elles-mкmes handicapйes. Lorsqu’il est prouvй que le comportement indйsirable constitutif de harcиlement dont un employй, n’ayant pas lui-mкme un handicap, est victime est liй au handicap de son enfant, auquel il dispense l’essentiel des soins dont celui-ci a besoin, un tel comportement est contraire а l’interdiction de harcиlement йnoncйe audit article 2, paragraphe 3.
Sur les dйpens
64 La procйdure revкtant, а l’йgard des parties au principal, le caractиre d’un incident soulevй devant la juridiction de renvoi, il appartient а celle‑ci de statuer sur les dйpens. Les frais exposйs pour soumettre des observations а la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (grande chambre) dit pour droit:
1) La directive 2000/78/CE du Conseil, du 27 novembre 2000, portant crйation d’un cadre gйnйral en faveur de l’йgalitй de traitement en matiиre d’emploi et de travail, et, notamment, ses articles 1er et 2, paragraphes 1 et 2, sous a), doivent кtre interprйtйs en ce sens que l’interdiction de discrimination directe qu’ils prйvoient n’est pas limitйe aux seules personnes qui sont elles-mкmes handicapйes. Lorsqu’un employeur traite un employй n’ayant pas lui‑mкme un handicap de maniиre moins favorable qu’un autre employй ne l’est, ne l’a йtй ou ne le serait dans une situation comparable et qu’il est prouvй que le traitement dйfavorable dont cet employй est victime est fondй sur le handicap de son enfant, auquel il dispense l’essentiel des soins dont celui-ci a besoin, un tel traitement est contraire а l’interdiction de discrimination directe йnoncйe audit article 2, paragraphe 2, sous a).
2) La directive 2000/78 et, notamment, ses articles 1er et 2, paragraphes 1 et 3, doivent кtre interprйtйs en ce sens que l’interdiction de harcиlement qu’ils prйvoient n’est pas limitйe aux seules personnes qui sont elles-mкmes handicapйes. Lorsqu’il est prouvй que le comportement indйsirable constitutif de harcиlement dont un employй, n’ayant pas lui-mкme un handicap, est victime est liй au handicap de son enfant, auquel il dispense l’essentiel des soins dont celui-ci a besoin, un tel comportement est contraire а l’interdiction de harcиlement йnoncйe audit article 2, paragraphe 3.
Signatures